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Connais-toi toi-même

Plans de travail

Projet de classe

(à rendre avant les vacances d'octobre)

Réalisation d'un dossier autobiographique contenant :

  • Un texte de présentation expliquant pourquoi vous allez vous raconter, sur le modèle de Rousseau et de Montaigne

  • Un texte “J’aime, je n’aime pas”, avec une conclusion sur ce que vos goûts disent de vous

  • Un souvenir d’enfance, sur le modèle de Perec ou Leiris

  • Une image d’un objet ou d’un paysage qui vous définit, en expliquant pourquoi

  • Une lettre à votre futur vous-même, dans vingt ans

  • Une création artistique (picturale, littéraire, photographique, numérique, etc.)

Lectures partagées

1. Voici les cinq oeuvres au choix (à lire avant les vacances d'octobre) :

  • Métaphysique des tubes, Amélie Nothomb.

  • Un Secret, Philippe Grimberg.

  • Poil de Carotte, Jules Renard.

  • Qu'Allah bénisse la France, Abd-Al Malik.

  • Shooting Star, Stéphanie Benson.

2. Voici le lien vers les oeuvres (littéraires, cinématographiques, musicale, etc.)

à étudier pour la fin du trimestre :

Séance 1 :

Pourquoi se raconte-t-on ?

Pourquoi se raconte-t-on ? Pourquoi parle-t-on de soi ? Pourquoi se dévoile-t-on ?

 

L’autobiographie pose de nombreuses questions. En groupe, réfléchissez à ce qui pousse quelqu’un à mettre sa vie privée sur le devant de la scène. Vous n’oublierez pas de penser aux réseaux sociaux.

 

Vous prendrez des notes et formerez au choix une carte heuristique ou un sketchnote. Créer un LiveTweet permettrait de partager vos réflexions.

Bilan des 3 classes via Twitter

Séance 2 :

L'avis des auteurs : George Sand.

Je ne pense pas qu’il y ait de l’orgueil* et de l’impertinence* à écrire l’histoire de sa propre vie, encore moins à choisir, dans les souvenirs que cette vie a laissés en nous, ceux qui nous paraissent valoir la peine d’être conservés. Pour ma part, je crois accomplir un devoir, assez pénible même, car je ne connais rien de plus malaisé que de se définir et de se résumer en personne. 

L'étude du cœur humain est de telle nature, que plus on s’y absorbe, moins on y voit clair ; et pour certains esprits actifs, se connaître est une étude fastidieuse* et toujours incomplète. Pourtant je l’accomplirai, ce devoir ; je l’ai toujours eu devant les yeux ; je me suis toujours promis de ne pas mourir sans avoir fait ce que j’ai toujours conseillé aux autres de faire pour eux-mêmes : une étude sincère de ma propre nature et un examen attentif de ma propre existence. 

Une insurmontable paresse (c’est la maladie des esprits trop occupés et celle de la jeunesse par conséquent) m’a fait différer jusqu’à ce jour d’accomplir cette tâche ; et, coupable peut-être envers moi-même, j’ai laissé publier sur mon compte un assez grand nombre de biographies pleines d’erreurs, dans la louange comme dans le blâme. Il n’est pas jusqu’à mon nom qui ne soit une fable dans certaines de ces biographies, publiées d’abord à l’étranger et reproduites en France avec des modifications de fantaisie. Questionnée par les auteurs de ces récits, appelée à donner les renseignements qu’il me plairait de fournir, j'ai poussé l’apathie jusqu'à refuser à des personnes bienveillantes le plus simple indice. J’éprouvais, je l’avoue, un dégoût mortel à occuper le public de ma personnalité, qui n’a rien de saillant, lorsque je me sentais le cœur et la tête remplis de personnalités plus fortes, plus logiques, plus complètes, plus idéales, de types supérieurs à moi-même, de personnages de roman en un mot. Je sentais qu’il ne faut parler de soi au public qu’une fois en sa vie, très sérieusement, et n’y plus revenir. 

Quand on s’habitue à parler de soi, on en vient facilement à se vanter, et cela, très involontairement sans doute, par une loi naturelle de l’esprit humain, qui ne peut s’empêcher d’embellir et d’élever l’objet de sa contemplation. [...] 

Histoire de ma vie (1855),

George Sand (1804-1876). 

1° Pourquoi le livre de George Sand peut-il être vu comme un acte extrêmement courageux ?

 

2° Pour quelle raison George Sand souhaite-t-elle écrire son autobiographie ?

Prolongements :

Rousseau / Montaigne

Vers la fin de sa vie, le philosophe Jean-Jacques Rousseau sera vivement critiqué par ses contemporains. Pour expliquer sa personnalité, il choisit d’écrire sa vie. 

 

Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature, et cet homme, ce sera moi. 

Moi seul. Je sens mon cœur, et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m’a jeté, c’est ce dont on ne peut juger qu’après m’avoir lu. 

Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : Voilà ce que j’ai fait, ce que j’ai pensé, ce que je fus. J’ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n’ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon ; et s’il m’est arrivé d’employer quelque ornement indifférent, ce n’a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire. J’ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l’être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus : méprisable et vil quand je l’ai été ; bon, généreux, sublime, quand je l’ai été : j’ai dévoilé mon intérieur tel que tu l’as vu toi-même. Être éternel, ras- semble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables ; qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères. Que chacun d’eux découvre à son tour son cœur au pied de ton trône avec la même sincérité, et puis qu’un seul te dise, s’il l’ose, Je fus meilleur que cet homme-là. 

Je suis né à Genève, en 1712 d’Isaac Rousseau, citoyen, et de Susanne Bernard, citoyenne. 

 

Les Confessions (1782 pour la 1ère partie, 1789 pour la 2nde), 

Jean-Jacques Rousseau (1712-1778).

C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit dès l'entrée que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privée. Je n'y ai eu nulle considération de ton service, ni de ma gloire. Mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Je l'ai voué à la commodité particulière de mes parents et amis : à ce que m'ayant perdu (ce qu'ils ont à faire bientôt) ils y puissent retrouver aucuns traits de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entière et plus vive la connaissance qu'ils ont eue de moi. Si c'eût été pour rechercher la faveur du monde, je me fusse mieux paré et me présenterais en une marche étudiée. Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention ni artifice : car c'est moi que je peins. Mes défauts s'y liront au vif, et ma forme naïve, autant que la révérence publique me l'a permis. Que si j'eusse été entre ces nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t'assure que je m'y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu. Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre : ce n'est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain. Adieu donc : de Montaigne, ce premier de mars mille cinq cent quatre-vingt. 

 

Les Essais (1580), 

Michel de Montaigne (1533-1592). 

Séance 3 :

Les autres & nous

Cette année, nous allons travailler avec une classe de 3e du Collège Marcel Grillard, de Bricquebec (50), et avec une classe de 3e du Collège Pablo Picasso, de Montesson (78).

 

Le nom du projet commun est #RéseauDesLettres.

 

Et s’il fallait leur parler de nous … Que dirions-nous ? Qui sommes-nous ? Pouvons-nous créer aujourd’hui une « identité collective » ?

 

Présentez-vous aux autres membres du #réseaudeslettres :

 

1° Présentez votre lieu de vie, par texte et/ou au moyen d’une photographie.

 

2° Quel est votre quotidien ?

 

3° Comment vous définissez-vous ? Qu’est-ce qui vous définit, vous, collégiens d’Egletons ?

 

4° Orthographiez correctement

 

5° Accompagnez vos tweets de  #IdeColl

Pensez-vous que notre environnement et le(s) groupe(s) au(x)quel(s) nous appartenons nous définissent ?

 

Instagram

 

Vous avez pu constater que 90% des élèves ont compte Instagram. 

 

Est-il possible d’en créer un pour la classe afin de partager les lectures et réflexions de l’année ?

 

Quel serait alors le profil ?

Séance 4 :

#Réseau des lettres

Lecture collaborative

Pour rappel, les Google Docs sont disponibles dans les liens ci-dessous.

Pour les modifier et les compléter, il vous faut :

 

- soit l'application Google Docs (que la plateforme a mise dans le Self-Service),

 

- soit y accéder par ordinateur,

 

- soit y accéder avec votre smartphone (pensez à vous mettre sur le réseau Wi-Fi de votre domicile).

Séance 5 :

"J'aime / Je n'aime pas", Roland Barthes

J'aime : la salade, la cannelle, le fromage, les piments, la pâte d'amandes, l'odeur du foin coupé (j'aimerais qu'un «nez» fabriquât un tel parfum), les roses, les pivoines, la lavande, le champagne, des positions légères en politique, Glenn Gould, la bière excessivement glacée, les oreillers plats, le pain grillé, les cigares de Havane, Haendel, les promenades mesurées, les poires, les pêches blanches ou de vigne, les cerises, les couleurs, les montres, les stylos, les plumes à écrire, les entremets, le sel cru, les romans réalistes, le piano, le café, Pollock, Twombly, toute la musique romantique, Sartre, Brecht, Verne, Fourier, Eisenstein, les trains, le médoc, le bouzy, avoir la monnaie, Bouvard et Pécuchet, marcher en sandales le soir sur les petites routes du Sud Ouest, le coude de l'Adour vu de la maison du docteur L., les Marx Brothers, le serrano à sept heures du matin en sortant de Salamanque, etc. 

Je n'aime pas : les loulous blancs, les femmes en pantalon, les géraniums, les fraises, le clavecin, Miro, les tautologies, les dessins animés, Arthur Rubinstein, les villas, les après midi, Satie, Bartok, Vivaldi, téléphoner, les chœurs d'enfants, les concertos de Chopin, les bransles de Bourgogne, les danceries de la Renaissance, l'orgue, M. A. Charpentier, ses trompettes et ses timbales, le politico sexuel, les scènes, les initiatives, la fidélité, la spontanéité, les soirées avec des gens que je ne connais pas, etc. 

 

J’aime, je n'aime pas : cela n'a aucune importance pour personne; cela, apparemment, n'a pas de sens. Et pourtant tout cela veut dire : mon corps n'est pas le même que le vôtre. Ainsi, dans cette écume anarchique des goûts et des dégoûts, sorte de hachurage distrait, se dessine peu à peu la figure d'une énigme corporelle, appelant complicité ou irritation. Ici commence l'intimidation du corps, qui oblige l'autre à me supporter libérale- ment, à rester silencieux et courtois devant des jouissances ou des refus qu'il ne partage pas. 

 

Roland Barthes par Roland Barthes,

Éditions du Seuil, Paris, 1975,

Roland Barthes (1915-1980). 

1° Quel est le risque quand Roland Barthes produit un tel texte ?

 

2° Quelles remarques pouvez-vous faire sur l’extrait suivant : « Glenn Gould, la bière excessivement glacée, les oreillers plats, le pain grillé, les cigares de Havane, Haendel »?

Séance 6 :

"J'aime / Je n'aime pas", ma version

A la manière de Roland Barthes, vous allez écrire un “J’aime, je n’aime pas”. 

 

Pensez à conserver la même structure que l’auteur.

 

Vous penserez à conclure le texte : qu’est-ce que cela dit de vous ? qu’est-ce que cela dit des êtres humains ? qu’est-ce que cela dit de votre génération ? etc.

Séance 7 :

Souvenir.

A la manière de Roland Barthes, vous allez écrire un “J’aime, je n’aime pas”. 

 

Pensez à conserver la même structure que l’auteur.

 

Vous penserez à conclure le texte : qu’est-ce que cela dit de vous ? qu’est-ce que cela dit des êtres humains ? qu’est-ce que cela dit de votre génération ? etc.

Séance 8 :

La réponse des auteurs

L'Âge d'homme

Âgé de cinq ou six ans, je fus victime d'une agression. Je veux dire que je subis dans la gorge une opération qui consista à m'enlever des végétations ; l'intervention eut lieu d'une manière très brutale, sans que je fusse anesthésié. Mes parents avaient d'abord commis la faute de m'emmener chez le chirurgien sans me dire où ils me conduisaient. Si mes souvenirs sont justes, je m'imaginais que nous allions au cirque ; j'étais donc très loin de prévoir le tour sinistre que me réservaient le vieux médecin de la famille, qui assistait le chirurgien, et ce dernier lui-même. Cela se déroula, point pour point, ainsi qu'un coup monté et j'eus le sentiment qu'on m'avait attiré dans un abominable guet-apens. Voici comment les choses se passèrent : laissant mes parents dans le salon d'attente, le vieux médecin m'amena jusqu'au chirurgien, qui se tenait dans une autre pièce en grande barbe noire et blouse blanche (telle est, du moins, l'image d'ogre que j'en ai gardée) ; j'aperçus des instruments tranchants et, sans doute, eus-je l'air effrayé car, me prenant sur ses genoux, le vieux médecin dit pour me rassurer : « Viens, mon petit coco ! On va jouer à faire la cuisine. » À partir de ce moment je ne me souviens de rien, sinon de l'attaque soudaine du chirurgien qui plongea un outil dans ma gorge, de la douleur que je ressentis et du cri de bête qu'on éventre que je poussai. Ma mère, qui m'entendit d'à côté, fut effarée. […]

Ce souvenir est, je crois, le plus pénible de mes souvenirs d'enfance. Non seulement je ne comprenais pas que l'on m'eût fait si mal, mais j'avais la notion d'une duperie, d'un piège, d'une perfidie atroce de la part des adultes, qui ne m'avaient amadoué que pour se livrer sur ma personne à la plus sauvage agression. Toute ma représentation de la vie en est restée marquée : le monde, plein de chausse-trapes, n'est qu'une vaste prison ou salle de chirurgie ; je ne suis sur terre que pour devenir chair à médecins, chair à canons, chair à cercueil ; comme la promesse fallacieuse de m'emmener au cirque ou de jouer à faire la cuisine, tout ce qui peut m'arriver d'agréable en attendant n'est qu'un leurre, une façon de me dorer la pilule pour me conduire plus sûrement à l'abattoir où, tôt ou tard, je dois être mené.

 

Michel Leiris,

L'Âge d'homme, 1939.

La Promesse de l'aube

J'avais déjà près de neuf ans lorsque je tombai amoureux pour la première fois. Je fus tout entier aspiré par une passion violente, totale, qui m'empoisonna complètement l'existence et faillit même me coûter la vie. Elle avait huit ans et elle s'appelait Valentine. Je pourrais la décrire longuement et à perte de souffle, et si j'avais une voix, je ne cesserais de chanter sa beauté et sa douceur. C'était une brune aux yeux clairs, admirablement faite, vêtue d'une robe blanche et elle tenait une balle à la main. Je l'ai vue apparaître devant moi dans le dépôt de bois, à l'endroit où commençaient les orties, qui couvraient le sol jusqu'au mur du verger voisin. Je ne puis décrire l'émoi qui s'empara de moi : tout ce que je sais, c'est que mes jambes devinrent molles et que mon cœur se mit à sauter avec une telle violence que ma vue se troubla. Absolument résolu à la séduire immédiatement et pour toujours, de façon qu'il n'y eût plus jamais de place pour un autre homme dans sa vie, je fis comme ma mère me l'avait dit et, m'appuyant négligemment contre les bûches, je levai les yeux vers la lumière pour la subjuguer(2). Mais Valentine n'était pas femme à se laisser impressionner. Je restai là, les yeux levés vers le soleil, jusqu'à ce que mon visage ruisselât de larmes, mais la cruelle, pendant tout ce temps-là continua à jouer avec sa balle, sans paraître le moins du monde intéressée. Les yeux me sortaient de la tête, tout devenait feu et flamme autour de moi, mais Valentine ne m'accordait même pas un regard. Complètement décontenancé par cette indifférence, alors que tant de belles dames, dans le salon de ma mère, s'étaient dûment extasiées devant mes yeux bleus, à demi aveugle et ayant ainsi, du premier coup, épuisé, pour ainsi dire, mes munitions, j'essuyai mes larmes et, capitulant sans conditions, je lui tendis les trois pommes vertes que je venais de voler dans le verger. Elle les accepta et m'annonça, comme en passant :

"Janek a mangé pour moi toute sa collection de timbres-poste."

C'est ainsi que mon martyre commença.

Romain Gary (1914-1980),

La Promesse de l’aube (1960).

Mémoires d'outre-tombe

La Vallée-aux-Loups, 

le 31 décembre 1811.

 

NAISSANCE DE MES FRERES ET SOEURS.

JE VIENS AU MONDE.

 

Ma mère accoucha à Saint-Malo d'un premier garçon qui mourut au berceau, et qui fut nommé Geoffroy, comme presque tous les aînés de ma famille. Ce fils fut suivi d'un autre et de deux filles qui ne vécurent que quelques mois.

Ces quatre enfants périrent d'un épanchement de sang au cerveau. Enfin, ma mère mit au monde un troisième garçon qu'on appela Jean-Baptiste : c'est lui qui, dans la suite, devint le petit-gendre de M. de Malesherbes. Après Jean-Baptiste naquirent quatre filles : Marie-Anne, Bénigne, Julie et Lucile, toutes quatre d'une rare beauté, et dont les deux aînées ont seules survécu aux orages de la Révolution. La beauté, frivolité sérieuse, reste quand toutes les autres sont passées. Je fus le dernier de ces dix enfants. Il est probable que mes quatre soeurs durent leur existence au désir de mon père d'avoir son nom assuré par l'arrivée d'un second garçon; je résistais, j'avais aversion pour la vie.

Voici mon extrait de baptème :

'' Extrait des registres de l'état civil de la commune de Saint-Malo pour l'année 1768.

François-René de Chateaubriand, fils de René de Chateaubriand et de Pauline- Jeanne-Suzanne de Bedée, son épouse, né le 4 septembre 1768, baptisé le jour suivant par nous, Pierre-Henty Nouail, grand-vicaire de l'évèque de Saint-Malo. A été parrain Jean-Baptiste de Chateaubriand, son frère, et marraine Françoise Gertrude de Contades, qui signent et le père. Ainsi signé au registre : Contades de Plouïr, Jean-Baptiste de Chateaubriand, Brignon de Chateaubriand, de Chateaubriand et Nouail, vicaire-général. '' 

On voit que je m'étais trompé dans mes ouvrages : je me fais naître le 4 octobre et non le 4 septembre ; mes prénoms sont : François-René, et non pas François Auguste.

La maison qu'habitaient alors mes parents est située dans une rue sombre et étroite de Saint-Malo, appelée la rue des Juifs : cette maison est aujourd'hui transformée en auberge. La chambre où ma mère accoucha domine une partie déserte des murs de la ville, et à travers les fenêtres de cette chambre on aperçoit une mer qui s'étend à perte de vue, en se brisant sur des écueils. J'eus pour parrain, comme on le voit dans mon extrait de baptême, mon frère, et pour marraine la comtesse de Plouït, fille du maréchal de Contades. J'étais presque mort quand je vins au jour. Le mugissement des vagues, soulevées par une bourrasque annonçant l'équinoxe d'automne, empêchait d'entendre mes cris : on m'a souvent conté ces détails ; leur tristesse ne s'est jamais effacée de ma mémoire. Il n'y a pas de jour où, rêvant à ce que j'ai été, je ne revoie en pensée le rocher sur lequel je suis né, la chambre où ma mère m'infligea la vie, la tempête dont le bruit berça mon premier sommeil, le frère infortuné qui me donna un nom que j'ai presque toujours traîné dans le malheur. Le Ciel sembla réunir ces diverses circonstances pour placer dans mon berceau une image de mes destinées. 

François-René de Chateaubriand (1768-1848),

Mémoires d’outre-tombe (1848).

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